Portrait de Fleur à la Fenetre de son appartement de HCMC

SOCIÉTÉ – 

Covid à Hô Chi Minh City -
Témoignage de Fleur

Découvrez la réalité d’une expatriée française pendant la pandémie de covid à Hô Chi Minh City :  perte d’emploi, doutes, espoirs et désillusion

Au Viêtnam depuis 2010, Fleur, 36 ans, aime ce pays, sa culture, son peuple. Elle vit à Hô Chi Minh City puis à Hanoi et retourne en mai 2018 à Saigon. Cette ville est son coup de cœur. L’énergie qu’elle dégage lui correspond. Elle travaille dans le tourisme. Tout se passe pour le mieux pour elle. D’ailleurs, fin 2019, elle est promue sur l’emploi de ses rêves « product manager » au sein d’un des plus grands tour opérateurs de voyages. Cependant, ses ambitions tournent court avec l’arrivée du covid à Hô Chi Minh City et plus largement partout au Viêtnam. Comme les 3/4 du personnel de son entreprise, elle est licenciée en avril 2020 lors de la première vague de covid au Viêtnam. Depuis, elle vit des montagnes russes émotionnelles et un questionnement permanent sur son avenir.

ENTRE ATTENTE, ESPOIR ET DÉSILLUSION

Le Viêtnam maîtrise la pandémie grâce à des directives très strictes. Il fait partie du top 5 mondial des pays ayant la meilleure gestion du covid. 

« À l’époque, je crois profondément que les frontières se rouvriront dès septembre 2020. Il suffit d’attendre et d’être patiente. Comme l’Asie a déjà vaincu rapidement le sras en 2003, je suis convaincue qu’il en fera de même avec ce virus. En plus, j’ai des économies et ma société continue à prendre en charge mes papiers. Donc, tout allait bien. »

Cependant, au fil du temps, sa situation lui pèse. Bien qu’elle soit consciente que la perte de son emploi n’est pas due à son manque de compétences et qu’elle n’est pas un cas isolé, elle doute d’elle. 

« Je vis de plus en plus mal le fait de ne pas avoir de travail. J’ai pour habitude de tout organiser, planifier, agencer…  Mais là, je ne sais pas comment me projeter dans l’avenir. Je ne trouve pas non plus le levier pour accepter cette phase où le temps me parait long, suspendu et sans repère. » 

Alors sa vie s’écoule dans une existence digitale sans réel challenge en dehors de celui de tenir.

À l’été 2020, voyant que le pays restera fermé, elle passe différents entretiens dans le domaine commercial. Mais chaque postulation se conclut par un échec. Elle perd confiance. Elle s’enlise.

« Je trouve finalement en décembre un emploi auprès d’une auto-entrepreneuse française. Cette dernière vend en ligne ses produits. Elle a besoin d’une personne pour dynamiser son business. Mais, l’incertitude de la situation économique et sanitaire ne permet pas de mettre en place une réelle stratégie marketing car ma responsable hésite tous les jours à fermer son entreprise. Je ne supporte pas longtemps ses tergiversations. En fait, je ne peux pas endurer les doutes et questionnements des autres en plus des miens. Cela me tire vers le bas. Et j’ai tant besoin d’épanouissement, d’énergie et de me sentir utile. »

Alors, parallèlement, avec son conjoint, elle envisage de réaliser des produits en béton afin de les vendre sur les marchés. Leur chiffre d’affaires au cours des braderies de Noël est prometteur. Au moment où ils souhaitent se développer, la 3e vague de covid à Hô Chi Minh City frappe en février 2021. Il faut remettre les projets une nouvelle fois à plus tard.

« De déconfiture en échec,  j’ai le sentiment d’être dans une spirale négative sans fin. Même pour mon mariage prévu en février, je dois faire face au covid. Ni ma famille, ni mes amis ou encore ceux de mon époux ne peuvent être présents. Alors, faute de mieux, on improvise une cérémonie par zoom afin que nos proches puissent partager ce moment avec nous. La fête aura lieu plus tard. Mais quand ? »

Aucun signe ne lui laisse augurer un avenir meilleur.

En avril, la roue tourne. 

« Je trouve un petit boulot pour un studio de danse.  J’ai la charge de la stratégie marketing, mais je vais aussi pouvoir donner des cours. Quelques jours après, je suis recrutée pour un autre poste au sein d’un magazine comme responsable du sponsoring. Avec deux mi-temps, des leçons de danse et la vente de mes produits en béton, l’avenir semble me sourire à nouveau. »

Elle va développer ses compétences et travailler dans un domaine qui la passionne : la danse. Après plus d’un an sans emploi, elle va retrouver un rythme et un revenu. Tout aurait pu être parfait si la 4e vague de covid n’avait pas éclaté fin avril au Viêtnam.

LE DÉSESPOIR DE LA 4E VAGUE de covid À Hô chi minh city

Avec la nouvelle onde de choc due au variant delta tous ses projets périclitent. Le magazine est à l’arrêt. Le studio de danse est fermé. La production d’objets en béton est impossible. En juin, elle a le sentiment d’avoir tout perdu.

Au cours des mois de mai et juin, la situation n’est pas plus difficile que lors des vagues de covid précédentes. Il suffit d’appliquer les gestes barrières, d’éviter les regroupements de plus de six personnes et de respecter la distanciation sociale. 

« Bons élèves, avec mon mari, on suit toutes les directives. On s’organise pour limiter nos sorties et faire les courses qu’une fois par semaine. Mais l’accumulation est pesante. J’ai le sentiment de ne pas voir le bout du tunnel et d’être dans une boucle temporelle. Je suis dans le film  » Groundhog Day « , un jour sans fin. Mais, dans mon cas, chaque jour est plus difficile que le précédent. Rien ne s’améliore et je n’ai pas de solution. »

Le contexte est très lourd. Or, le 5 juillet, il monte encore d’un cran. La nouvelle hurle dans les haut-parleurs. Il y a deux cas de covid dans son immeuble. Immédiatement, tous les habitants sont assignés à résidence. Le quartier est bloqué. Plus personne ne peut ni entrer ni sortir de la zone rouge.

Il n’y a plus d’échappatoire. Le temps est long. 

« Aucune activité n’est possible ni même le fait d’aller au supermarché en bas de mon bâtiment. J’ai le sentiment d’étouffer. Je pleure tous les soirs. Je partage ce que je vis sur les réseaux. Soit les gens pensent que j’exagère, soit que je suis au bout du rouleau, soit ils s’en foutent. Toutes ces attitudes mais aussi toutes les petites choses ou encore chaque mot comptent ou pèsent dans cette période. Chaque élément négatif y compris le plus insignifiant prend de plus en plus d’importance. Je me morfond. Quand je regarde par la fenêtre et que je vois de la vie, des gens dehors, cela me rend envieuse et malade. Bref, je défaille et malgré le soutien de mon époux, je me laisse couler dans une forme de dépression. »

Quelques jours après, 14 juillet, le confinement général de Hô Chi Minh City est décrété. Au moins, tous les habitants sont logés à la même enseigne. Elle se sent moins seule. Tous sont confrontés à une unique réalité : être cloitré sans liberté conditionnelle envisageable. Cela dit, c’est le symbole que le sérieux situation s’amplifie. D’ailleurs, elle ne cesse d’entendre les sirènes hurlantes des ambulances qui quadrillent la ville. Les rues étant désertes est-ce un message à l’attention de la population ? Est-ce pour convaincre chaque individu de la gravité de la conjoncture ? 

« Au fil des jours, j’ai l’impression de devenir folle. Je rêve d’avoir une heure de promenade. Mais dans ma prison, je suis en cellule d’isolement sans contact possible avec le monde extérieur. »

Début août, le blocus de son immeuble est levé. Cela fait tellement de temps qu’elle est enfermée qu’elle craint de sortir. Cependant, rien que le fait de savoir qu’elle peut potentiellement faire quelques pas à l’extérieur de son appartement est une respiration. La période de détention dure se termine. Elle est en liberté conditionnelle.

Or, les nouveaux cas de covid à Hô Chi Minh City se comptent encore quotidiennement par milliers. La vague due au variant delta n’est toujours pas contenue. Le blocus général est donc remis en place dès le 19 août. 

« Cette fois-ci, je peux tout de même me rendre au supermarché en bas de chez moi. Les rayons se vident très rapidement. Alors, il ne faut pas être regardant sur les produits que l’on achète. Résultat, avec mon mari, on accepte de manger souvent voire toujours la même chose. Une fois que j’ai dit ça, j’ai tout de même le sentiment que c’est reparti pour un tour. La tristesse, l’angoisse reviennent de façon virulente. 
En plus, au fil des semaines d’enfermement, cet environnement stressant et anxiogène pèse également sur mon couple. Bien que je l’aime, c’est extrêmement compliqué de rester H 24 avec mon époux entre quatre murs plusieurs mois durant. Alors, pour se manquer et retrouver le plaisir de se voir, on décide pour dix jours de vivre chacun dans une pièce distincte sans aucun contact. Nous avions besoin d’un peu d’espace même si paradoxalement, nous passions de la surface de notre appartement de 70 m² à celle d’une chambre de 15 m² ».

Durant ce laps de temps, une lueur d’espoir naît d’une discussion avec une voisine. Cette dernière a installé une barre de pole dance chez elle. Elle pourrait faire de même. Reprendre la pratique de ce sport qu’elle aime temps, lui donne un objectif. Cela lui permettrait également de retrouver une nouvelle hygiène de vie. Son mari accepte. La tige est commandée et fixée dans la cuisine. Elle se sent mieux. Heureusement, car le confinement total est prolongé jusqu’à la mi-septembre.

Aujourd’hui, elle a toujours la perception d’être enlisée. 

« Je n’ai pas d’envie précise ni de rêves. La période interroge profondément ma vision de l’avenir et mes besoins fondamentaux. Tous mes sentiments sont actuellement exacerbés : la peur pour ma famille, la tristesse due à mon emprisonnement, le stress financier tout comme la joie à la réception de ma barre de pole dance. »

Alors pour tenir et tenter de prendre du recul, elle a un emploi du temps très cadré avec de petites tâches quotidiennes. Mais quand elle regarde par la fenêtre sa ville endormie, elle a de la peine. Fleur a l’impression que tout comme elle, Hô Chi Minh City a perdu son énergie, son dynamisme et sa bonne humeur. Mais, pour moins flancher, elle se focalise sur le positif : son mari, une tasse de café tous les matin et sa barre de pole dance. Pour la suite : 

« J’espère pouvoir sortir bientôt de mon appartement, retourner au studio de danse, retrouver un travail et pouvoir rentrer en France pour serrer ma famille dans mes bras. »

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